beginning of Meditation III / Meditations on First Philosophy / Meditation IV

P26. Mais peut-être aussi que je suis quelque chose de plus que je ne m'imagine, et que toutes les perfections que j'attribue à la nature d'un Dieu, sont en quelque façon en moi en puissance, quoiqu'elles ne se produisent pas encore, et ne se fassent point paraître par leurs actions. En effet j'expérimente déjà que ma connaissance s'augmente et se perfectionne peu à peu, et je ne vois rien qui la puisse empêcher de s'augmenter de plus en plus jusques à l'infini; puis, étant ainsi accrue et perfectionnée, je ne vois rien qui empêche que je ne puisse m'acquérir par son moyen toutes les autres perfections de la nature divine; et enfin il semble que la puissance que j'ai pour l'acquisition de ces perfections, si elle est en moi, peut être capable d'y imprimer et d'y introduire leurs idées.

P27. Toutefois, en y regardant un peu de près, je reconnais que cela ne peut être; car, premièrement, encore qu'il fût vrai que ma connaissance acquît tous les jours de nouveaux degrés de perfection, et qu'il y eût en ma nature beaucoup de choses en puissance, qui n'y sont pas encore actuellement, toutefois tous ces avantages n'appartiennent et n'approchent en aucune sorte de l'idée que j'ai de la Divinité, dans laquelle rien ne se rencontre seulement en puissance, mais tout y est actuellement et en effet. Et même n'est-ce pas un argument infaillible et très certain d'imperfection en ma connaissance, de ce qu'elle s'accroît peu à peu, et qu'elle s'augmente par degrés? Davantage, encore que ma connaissance s'augmentât de plus en plus, néanmoins je ne laisse pas de concevoir qu'elle ne saurait être actuellement infinie, puisqu'elle n'arrivera jamais à un si haut point de perfection, qu'elle ne soit encore capable d'acquérir quelque plus grand accroissement. Mais je conçois Dieu actuellement infini en un si haut degré, qu'il ne se peut rien ajouter à la souveraine perfection qu'il possède. Et enfin je comprends fort bien que l'être objectif d'une idée ne peut être produit par un être qui existe seulement en puissance, lequel à proprement parler n'est rien, mais seulement par un être formel ou actuel.

P28. Et certes je ne vois rien en tout ce que je viens de dire, qui ne soit très aisé à connaître par la lumière naturelle à tous ceux qui voudront y penser soigneusement; mais lorsque je relâche quelque chose de mon attention, mon esprit se trouvant obscurci et comme aveuglé par les images des choses sensibles, ne se ressouvient pas facilement de la raison pourquoi l'idée que j'ai d'un être plus parfait que le mien, doit nécessairement avoir été mise en moi par un être qui soit en effet plus parfait. C'est pourquoi je veux ici passer outre, et considérer si moi-même, qui ai cette idée de Dieu, je pourrais être, en cas qu'il n'y eût point de Dieu.

P29. Et je demande, de qui aurais-je mon existence? Peut-être de moi-même, ou de mes parents, ou bien de quelques autres causes moins parfaites que Dieu; car on ne se peut rien imaginer de plus parfait, ni même d'égal à lui.

P30. Or, si j'étais indépendant de tout autre, et que je fusse moi-même l'auteur de mon être, certes je ne douterais d'aucune chose, je ne concevrais plus de désirs, et enfin il ne me manquerait aucune perfection; car je me serais donné à moi-même toutes celles dont j'ai en moi quelque idée, et ainsi je serais Dieu. Et je ne me dois point imaginer que les choses qui me manquent sont peut-être plus difficiles à acquérir, que celles dont je suis déjà en possession; car au contraire il est très certain, qu'il a été beaucoup plus difficile, que moi, c'est-à-dire une chose ou une substance qui pense, soit sorti du néant, qu'il ne me serait d'acquérir les lumières et les connaissances de plusieurs choses que j'ignore, et qui ne sont que des accidents de cette substance. Et ainsi sans difficulté, si je m'étais moi-même donné ce plus que je viens de dire, c'est-à-dire si j'étais l'auteur de ma naissance et de mon existence, je ne me serais pas privé au moins des choses qui sont de plus facile acquisition, à savoir, de beaucoup de connaissances dont ma nature est dénuée; je ne me serais pas privé non plus d'aucune des choses qui sont contenues dans l'idée que je conçois de Dieu, parce qu'il n'y en a aucune qui me semble de plus difficile acquisition; et s'il y en avait quelqu'une, certes elle me paraîtrait telle (supposé que j'eusse de moi toutes les autres choses que je possède), puisque j'expérimenterais que ma puissance s'y terminerait, et ne serait pas capable d'y arriver.

P31. Et encore que je puisse supposer que peut-être j'ai toujours été comme je suis maintenant, je ne saurais pas pour cela éviter la force de ce raisonnement, et ne laisse pas de connaître qu'il est nécessaire que Dieu soit l'auteur de mon existence. Car tout le temps de ma vie peut être divisé en une infinité de parties, chacune desquelles ne dépend en aucune façon des autres; et ainsi, de ce qu'un peu auparavant j'ai été, il ne s'ensuit pas que je doive maintenant être, si ce n'est qu'en ce moment quelque cause me produise et me crée, pour ainsi dire, derechef, c'est-à-dire me conserve. En effet c'est une chose bien claire et bien évidente (à tous ceux qui considéreront avec attention la nature du temps), qu'une substance, pour être conservée dans tous les moments qu'elle dure, a besoin du même pouvoir et de la même action, qui serait nécessaire pour la produire et la créer tout de nouveau, si elle n'était point encore. En sorte que la lumière naturelle nous fait voir clairement, que la conservation et la création ne diffèrent qu'au regard de notre façon de penser, et non point en effet.

P32. Il faut donc seulement ici que je m'interroge moi-même, pour savoir si je possède quelque pouvoir et quelque vertu, qui soit capable de faire en sorte que moi, qui suis maintenant, sois encore à l'avenir: car, puisque je ne suis qu'une chose qui pense (ou du moins puisqu'il ne s'agit encore jusques ici précisément que de cette partie-là de moi-même), si une telle puissance résidait en moi, certes je devrais à tout le moins le penser, et en avoir connaissance; mais je n'en ressens aucune dans moi, et par là je connais évidemment que je dépends de quelque être différent de moi.

P33. Peut-être aussi que cet être-là, duquel je dépends, n'est pas ce que j'appelle Dieu, et que je suis produit, ou par mes parents, ou par quelques autres causes moins parfaites que lui? Tant s'en faut, cela ne peut être ainsi. Car, comme j'ai déjà dit auparavant, c'est une chose très évidente qu'il doit y avoir au moins autant de réalité dans la cause que dans son effet. Et partant, puisque je suis une chose qui pense, et qui ai en moi quelque idée de Dieu, quelle que soit enfin la cause que l'on attribue à ma nature, il faut nécessairement avouer qu'elle doit pareillement être une chose qui pense, et posséder en soi l'idée de toutes les perfections que j'attribue à la nature Divine. Puis l'on peut derechef rechercher si cette cause tient son origine et son existence de soi-même, ou de quelque autre chose. Car si elle la tient de soi-même, il s'ensuit, par les raisons que j'ai ci-devant alléguées, qu'elle-même doit être Dieu; puisque ayant la vertu d'être et d'exister par soi, elle doit aussi avoir sans doute la puissance de posséder actuellement toutes les perfections dont elle conçoit les idées, c'est-à-dire toutes celles que je conçois être en Dieu. Que si elle tient son existence de quelque autre cause que de soi, on demandera derechef, par la même raison, de cette seconde cause, si elle est par soi, ou par autrui, jusques à ce que de degrés en degrés on parvienne enfin à une dernière cause qui se trouvera être Dieu.

P34. Et il est très manifeste qu'en cela il ne peut y avoir de progrès à l'infini, vu qu'il ne s'agit pas tant ici de la cause qui m'a produit autrefois, comme de celle qui me conserve présentement.

P35. On ne peut pas feindre aussi que peut-être plusieurs causes ont ensemble concouru en partie à ma production, et que de l'une j'ai reçu l'idée d'une des perfections que j'attribue à Dieu, et d'une autre l'idée de quelque autre, en sorte que toutes ces perfections se trouvent bien à la vérité quelque part dans l'Univers, mais ne se rencontrent pas toutes jointes et assemblées dans une seule qui soit Dieu. Car, au contraire, l'unité, la simplicité, ou l'inséparabilité de toutes les choses qui sont en Dieu, est une des principales perfections que je conçois être en lui; et certes l'idée de cette unité et assemblage de toutes les perfections de Dieu, n'a pu être mise en moi par aucune cause, de qui je n'aie point aussi reçu les idées de toutes les autres perfections. Car elle ne peut pas me les avoir fait comprendre ensemblement jointes et inséparables, sans avoir fait en sorte en même temps que je susse ce qu'elles étaient, et que je les connusse toutes en quelque façon.

P36. Pour ce qui regarde mes parents, desquels il semble que je tire ma naissance, encore que tout ce que j'en ai jamais pu croire soit véritable, cela ne fait pas toutefois que ce soit eux qui me conservent, ni qui m'aient fait et produit en tant que je suis une chose qui pense, puisqu'ils ont seulement mis quelques dispositions dans cette matière, en laquelle je juge que moi, c'est-à-dire mon esprit, lequel seul je prends maintenant pour moi-même, se trouve renfermé; et partant il ne peut y avoir ici à leur égard aucune difficulté, mais il faut nécessairement conclure que, de cela seul que j'existe, et que l'idée d'un être souverainement parfait (c'est-à-dire de Dieu) est en moi , l' existence de Dieu est très évidemment démontrée.

P37. Il me reste seulement à examiner de quelle façon j'ai acquis cette idée. Car je ne l'ai pas reçue par les sens, et jamais elle ne s'est offerte à moi contre mon attente, ainsi que font les idées des choses sensibles, lorsque ces choses se présentent ou semblent se présenter aux organes extérieurs de mes sens. Elle n'est pas aussi une pure production ou fiction de mon esprit; car il n'est pas en mon pouvoir d'y diminuer ni d'y ajouter aucune chose. Et par conséquent il ne reste plus autre chose à dire, sinon que, comme l'idée de moi-même, elle est née et produite avec moi dès lors que j'ai été créé.

P38. Et certes on ne doit pas trouver étrange que Dieu, en me créant, ait mis en moi cette idée pour être comme la marque de l'ouvrier empreinte sur son ouvrage; et il n'est pas aussi nécessaire que cette marque soit quelque chose de différent de ce même ouvrage. Mais de cela seul que Dieu m'a créé, il est fort croyable qu'il m'a en quelque façon produit à son image et semblance, et que je conçois cette ressemblance (dans laquelle l'idée de Dieu se trouve contenue) par la même faculté par laquelle je me conçois moi-même; c'est-à-dire que, lorsque je fais réflexion sur moi, non seulement je connais que je suis une chose imparfaite, incomplète, et dépendante d'autrui, qui tend et qui aspire sans cesse à quelque chose de meilleur et de plus grand que je ne suis, mais je connais aussi, en même temps, que celui duquel je dépends, possède en soi toutes ces grandes choses auxquelles j'aspire, et dont je trouve en moi les idées, non pas indéfiniment et seulement en puissance, mais qu'il en jouit en effet, actuellement et infiniment et, ainsi qu'il est Dieu. Et toute la force de l'argument dont j'ai ici usé pour prouver l'existence de Dieu consiste en ce que je reconnais qu'il ne serait pas possible que ma nature fût telle qu'elle est, c'est-à-dire que j'eusse en moi l'idée d'un Dieu, si Dieu n'existait véritablement; ce même Dieu, dis-je, duquel l'idée est en moi, c'est-à-dire qui possède toutes ces hautes perfections, dont notre esprit peut bien avoir quelque idée sans pourtant les comprendre toutes, qui n'est sujet à aucuns défauts, et qui n'a rien de toutes les choses qui marquent quelque imperfection. D'où il est assez évident qu'il ne peut être trompeur, puisque la lumière naturelle nous enseigne que la tromperie dépend nécessairement de quelque défaut.

P39. Mais, auparavant que j'examine cela plus soigneusement, et que je passe à la considération des autres vérités que l'on en peut recueillir, il me semble très à propos de m'arrêter quelque temps à la contemplation de ce Dieu tout parfait, de peser tout à loisir ses merveilleux attributs, de considérer, d'admirer et d'adorer l'incomparable beauté de cette immense lumière, au moins autant que la force de mon esprit, qui en demeure en quelque sorte ébloui, me le pourra permettre. Car, comme la foi nous apprend que la souveraine félicité de l'autre vie ne consiste que dans cette contemplation de la Majesté divine, ainsi expérimenterons-nous dès maintenant, qu'une semblable méditation, quoique incomparablement moins parfaite, nous fait jouir du plus grand contentement que nous soyons capables de ressentir en cette vie.

...

De Deo, quòd existat.

P1. Claudam nunc oculos, aures obturabo, avocabo omnes sensus, imagines etiam rerum corporalium omnes vel ex cogitatione meâ delebo, vel certe, quia hoc fieri vix potest, illas ut inanes & falsas nihili pendam, meque solum alloquendo & penitius inspiciendo, meipsum paulatim mihi magis notum & familiarem reddere conabor. Ego sum res cogitans, id est dubitans, affirmans, negans, pauca intelligens, multa ignorans, volens, nolens, imaginans etiam & sentiens; ut enim ante animadverti, quamvis illa quae sentio vel imaginor extra me fortasse nihil sint, illos tamen cogitandi modos, quos sensus & imaginationes appello, quatenus cogitandi quidam modi tantùm sunt, in me esse sum certus.

P2. Atque his paucis omnia recensui quae vere scio, vel saltem quae me scire hactenus animadverti. Nunc circumspiciam diligentiùs an forte adhuc apud me alia sint ad quae nondum respexi. Sum certus me esse rem cogitantem. Nunquid ergo etiam scio quid requiratur ut de aliquâ re sim certus? Nempe in hac primâ cognitione nihil aliud est, quàm clara quaedam & distincta perceptio ejus quòd affirmo; quae sane non sufficeret ad me certum de rei veritate reddendum, si posset unquam contingere, ut aliquid, quòd ita clare & distincte perciperem, falsum esset; ac proinde jam videor pro regulâ generali posse statuere, illud omne esse verum, quòd valde clare & distincte percipio.

P3. Verumtamen multa prius ut omnino certa & manifesta admisi, quae tamen postea dubia esse deprehendi. Qualia ergo ista fuere? Nempe terra, coelum, sydera & caetera omnia quae sensibus usurpabam. Quid autem de illis clare percipiebam? Nempe ipsas talium rerum ideas, sive cogitationes, menti meae obversari. Sed ne nunc quidem illas ideas in me esse inficior. Aliud autem quiddam erat quòd affirmabam, quòdque etiam ob consuetudinem credendi clare me percipere arbitrabar, quòd tamen revera non percipiebam: nempe res quasdam extra me esse, a quibus ideae istae procedebant, & quibus omnino similes erant. Atque hoc erat, in quo vel fallebar, vel certe, si verum judicabam, id non ex vi meae perceptionis contingebat.

P4. Quid verò? Cùm circa res Arithmeticas vel Geometricas aliquid valde simplex & facile considerabam, ut quòd duo & tria simul juncta sint quinque, vel similia, nunquid saltem illa satis perspicue intuebar, ut vera esse affirmarem? Equidem non aliam ob causam de iis dubitandum esse postea judicavi, quàm quia veniebat in mentem forte aliquem Deum talem mihi naturam indere potuisse, ut etiam circa illa deciperer, quae manifestissima viderentur. Sed quoties haec praeconcepta de summâ Dei potentiâ opinio mihi occurrit, non possum non fateri, siquidem velit, facile illi esse efficere ut errem, etiam in iis quae me puto mentis oculis quàm evidentissime intueri. Quoties verò ad ipsas res, quas valde clare percipere arbitror, me converto, tam plane ab illis persuadeor, ut sponte erumpam in has voces: fallat me quisquis potest, nunquam tamen efficiet ut nihil sim, quandiu me aliquid esse cogitabo; vel ut aliquando verum sit me nunquam fuisse, cùm jam verum sit me esse; vel forte etiam ut duo & tria simul juncta plura vel pauciora sint quàm quinque, vel similia, in quibus scilicet repugnantiam agnosco manifestam. Et certe cùm nullam occasionem habeam existimandi aliquem Deum esse deceptorem, nec quidem adhuc satis sciam utrùm sit aliquis Deus, valde tenuis &, ut ita loquar, Metaphysica dubitandi ratio est, quae tantùm ex eâ opinione dependet. Ut autem etiam illa tollatur, quamprimum occurret occasio, examinare debeo an sit Deus, &, si sit, an possit esse deceptor; hac enim re ignoratâ, non videor de ullâ aliâ plane certus esse unquam posse.

P5. Nunc autem ordo videtur exigere, ut prius omnes meas cogitationes in certa genera distribuam, & in quibusnam ex illis veritas aut falsitas proprie consistat, inquiram. Quaedam ex his tanquam rerum imagines sunt, quibus solis proprie convenit ideae nomen: ut cùm hominem, vel Chimaeram, vel Coelum, vel Angelum, vel Deum cogito. Aliae verò alias quasdam practerea formas habent: ut, cùm volo, cùm timeo, cùm affirmo, cùm nego, semper quidem aliquam rem ut subjectum meae cogitationis apprehendo, sed aliquid etiam amplius quàm istius rei similitudinem cogitatione complector; & ex his aliae voluntates, sive affectus, aliae autem judicia appellantur.

P6. Jam quod ad ideas attinet, si solae in se spectentur, nec ad aliud quid illas referam, falsae proprie esse non possunt; nam sive capram, sive chimaeram imaginer, non minus verum est me unam imaginari quàm alteram. Nulla etiam in ipsâ voluntate, vel affectibus, falsitas est timenda; nam, quamvis prava, quamvis etiam ea quae nusquam sunt, possim optare, non tamen ideo non verum est illa me optare. Ac proinde sola supersunt judicia, in quibus mihi cavendum est ne fallar. Praecipuus autem error & frequentissimus qui possit in illis reperiri, consistit in eo quòd ideas, quae in me sunt, judicem rebus quibusdam extra me positis similes esse sive conformes; nam profecto, si tantùm ideas ipsas ut cogitationis meae quosdam modos considerarem, nec ad quidquam aliud referrem, vix mihi ullam errandi materiam dare possent.

P7. Ex his autem ideis aliae innatae, aliae adventitiae, aliae a me ipso factae mihi videntur: nam quòd intelligam quid sit res, quid sit veritas, quid sit cogitatio, hacc non aliunde habere videor quàm ab ipsâmet meâ naturâ; quòd autem nunc strepitum audiam, solem videam, ignem sentiam, a rebus quibusdam extra me positis procedere hactenus judicavi; ac denique Syrenes, Hippogryphes, & similia, a me ipso finguntur. Vel forte etiam omnes esse adventitias possum putare, vel omnes innatas, vel omnes factas: nondum enim veram illarum originem clare perspexi.

P8. Sed hîc praecipue de iis est quaerendum, quas tanquam a rebus extra me existentibus desumptas considero, quaenam me moveat ratio ut illas istis rebus similes esse existimem. Nempe ita videor doctus a naturâ. Et praeterea experior illas non a meâ voluntate nec proinde a me ipso pendere; saepe enim vel invito obversantur: ut jam, sive velim, sive nolim, sentio calorem, & ideo puto sensum illum, sive ideam caloris, a re a me diversâ, nempe ab ignis cui assideo calore, mihi advenire. Nihilque magis obvium est, quàm ut luc judicem istam rem suam similitudinem potius quàm aliud quid in me immittere.

P9. Quae rationes, an satis firmae sint, jam videbo. Cùm hîc dico me ita doctum esse a naturâ, intelligo tantùm spontaneo quòdam impetu me ferri ad hoc credendum, non lumine aliquo naturali mihi ostendi esse verum. Quae duo multum discrepant; nam quaecumque lumine naturali mihi ostenduntur, ut quòd ex eo quòd dubitem, sequatur me esse, & similia, nullo modo dubia esse possunt, quia nulla alia facultas esse potest, cui aeque fidam ac lumini isti, quaeque illa non vera esse possit docere; sed quantum ad impetus naturales, jam saepe olim judicavi me ab illis in deteriorem partem fuisse impulsum, cùm de bono eligendo ageretur, nec video cur iisdem in ullâ aliâ re magis fidam.

P10. Deinde, quamvis ideae illae a voluntate meâ non pendeant, non ideo constat ipsas a rebus extra me positis necessario procedere. Ut enim impetus illi, de quibus mox loquebar, quamvis in me sint, a voluntate tamen meâ diversi esse videntur, ita forte etiam aliqua alia est in me facultas, nondum mihi satis cognita, istarum idearum effectrix, ut hactenus semper visum est illas, dum somnio, absque ullâ rerum externarum ope, in me formari.

P11. Ac denique, quamvis a rebus a me diversis procederent, non inde sequitur illas rebus istis similes esse debere. Quinimo in multis saepe magnum discrimen videor deprehendisse: ut, exempli causâ, duas diversas solis ideas apud me invenio, unam tanquam a sensibus haustam, & quae maxime inter illas quas adventitias existimo est recensenda, per quam mihi valde parvus apparet, aliam verò ex rationibus Astronomiae desumptam, hoc est ex notionibus quibusdam mihi innatis elicitam, vel quocumque alio modo a me factam, per quam aliquoties major quàm terra exhibetur; utraque profecto similis eidem soli extra me existenti esse non potest, & ratio persuadet illam ei maxime esse dissimilem, quae quàm proxime ab ipso videtur emanasse .

P12. Quae omnia satis demonstrant me non hactenus excerto judicio, sed tantùm ex caeco aliquo impulsu, credidisse res quasdam a me diversas existere, quae ideas sive imagines suas per organa sensuum, vel quolibet alio pacto, mihi immittant.

P13. Sed alia quaedam adhuc via mihi occurrit ad inquirendum an res aliquae, ex iis quarum ideae in me sunt, extra me existant. Nempe, quatenus ideae istae cogitandi quidam modi tantùm sunt, non agnosco ullam inter ipsas inaequalitatem, & omnes a me eodem modo procedere videntur; sed, quatenus una unam rem, alia aliam repraesentat, patet easdem esse ab invicem valde diversas. Nam proculdubio illae quae substantias mihi exhibent, majus aliquid sunt, atque, ut ita loquar, plus realitatis objectivae in se continent, quàm illae quae tantùm modos, sive accidentia, repraesentant; & rursus illa per quam summum aliquem Deum, aeternum, infinitum, omniscium, omnipotentem, rerumque omnium, quae praeter ipsum sunt, creatorem intelligo, plus profecto realitatis objectivae in se habet, quàm illae per quas finitae substantiae exhibentur.

P14. Jam verò lumine naturali manifestum est tantumdem ad minimum esse debere in causâ efficiente & totali, quantum in ejusdem causae effectu. Nam, quaeso, undenam posset assumere realitatem suam effectus, nisi a causâ? Et quomodo illam ei causa dare posset, nisi etiam haberet? Hinc autem sequitur, nec posse aliquid a nihilo fieri, nec etiam id quod magis perfectum est, hoc est quod plus realitatis in se continet, ab eo quod minus. Atque hoc non modo perspicue verum est de iis effectibus, quorum realitas est actualis sive formalis, sed etiam de ideis, in quibus consideratur tantùm realitas objectiva. Hoc est, non modo non potest, exempli causâ, aliquis lapis, qui prius non fuit, nunc incipere esse, nisi producatur ab aliquâ re in quâ totum illud sit vel formaliter vel eminenter, quod ponitur in lapide; nec potest calor in subjectum quod priùs non calebat induci, nisi a re quae sit ordinis saltem aeque perfecti atque est calor, & sic de caeteris; sed praeterea etiam non potest in me esse idea caloris, vel lapidis, nisi in me posita sit ab aliquâ causâ, in quâ tantumdem ad minimum sit realitatis quantum esse in calore vel lapide concipio. Nam quamvis ista causa nihil de suâ realitate actuali sive formali in meam ideam transfundat, non ideo putandum est illam minus realem esse debere, sed talem esse naturam ipsius ideae, ut nullam aliam ex se realitatem formalem exigat, praeter illam quam mutuatur a cogitatione meâ, cujus est modus. Quòd autem haec idea realitatem objectivam hanc vel illam contineat potius quàm aliam, hoc profectò habere debet ab aliquâ causâ in quâ tantumdem sit ad minimum realitatis formalis quantum ipsa continet objectivae. Si enim ponamus aliquid in ideâ reperiri, quod non fuerit in ejus causâ, hoc igitur habet a nihilo; atqui quantumvis imperfectus sit iste essendi modus, quo res est objective in intellectu per ideam, non tamen profectò plane nihil est, nec proinde a nihilo esse potest.

P15. Nec etiam debeo suspicari, cùm realitas quam considero in meis ideis sit tantùm objectiva, non opus esse ut eadem realitas sit formaliter in causis istarum idearum, sed sufficere, si sit in iis etiam objective. Nam quemadmodum iste modus essendi objectivus competit ideis ex ipsarum naturâ, ita modus essendi formalis competit idearum causis, saltem primis & praecipuis, ex earum naturâ. Et quamvis forte una idea ex aliâ nasci possit, non tamen hîc datur progressus in infinitum, sed tandem ad aliquam primam debet deveniri, cujus causa sit in star archetypi, in quo omnis realitas formaliter contineatur, quae est in ideâ tantùm objective. Adeo ut lumine naturali mihi sit perspicuum ideas in me esse veluti quasdam imagines, quae possunt quidem facile deficere a perfectione rerum a quibus sunt desumptae, non autem quicquam majus aut perfectius continere.

P16. Atque haec omnia, quò diutius & curiosius examino, tantò clarius & distinctius vera esse cognosco. Sed quid tandem ex his concludam? Nempe si realitas objectiva alicujus ex meis ideis sit tanta ut certus sim eandem nec formaliter nec eminenter in me esse, nec promde me ipsum elus ideae causam esse posse, hinc necessario sequi, non me solum esse in mundo, sed aliquam aliam rem, quae istius ideae est causa, etiam existere. Si verò nulla talis in me idea reperiatur, nullum plane habebo argumentum quod me de alicujus rei a me diversae existentiâ certum reddat; omnia enim diligentissime circumspexi, & nullum aliud potui hactenus reperire.

P17. Ex his autem meis ideis, practer illam quae me ipsum mihi exhibet, de quâ hîc nulla difficultas esse potest, alia est quae Deum, aliae quae res corporeas & inanimes, aliae quae Angelos, aliae quae animalia, ac denique aliae quae alios homines meî similes repraesentant.

P18. Et quantum ad ideas quae alios homines, vel animalia, vel Angelos exhibent, facile intelligo illas ex iis quas habeo meî ipsius & rerum corporalium & Dei posse componi, quamvis nulli praeter me homines, nec animalia, nec Angeli, in mundo essent.

P19. Quantum autem ad ideas rerum corporalium, nihil in illis occurrit, quod sit tantum ut non videatur a me ipso potuisse proficisci; nam si penitiùs inspiciam, & singulas examinem eo modo quo heri examinavi ideam cerae, animadverto perpauca tantùm esse quae in illis clare & distincte percipio: nempe magnitudinem, sive extensionem in longum, latum, & profundum; figuram, quae ex terminatione istius extensionis exsurgit; situm, quem diversa figurata inter se obtinent; & motum, sive mutationem istius sitûs; quibus addi possunt substantia, duratio, & numerus: caetera autem, ut lumen & colores, soni, odores, sapores, calor & frigus, aliacque tactiles qualitates, nonnisi valde confuse & obscure a me cogitantur, adeo ut etiam ignorem an sint verae, vel falsae, hoc est, an ideae, quas de illis habeo, sint rerum quarundam ideae, an non rerum. Quamvis enim falsitatem proprie dictam, sive formalem, nonnisi in judiciis posse reperiri paulo ante notaverim, est tamen profecto quaedam alia falsitas materialis in ideis, cùm non rem tanquam rem repraesentant: ita, exempli causâ, ideae quas habeo caloris & frigoris, tam parum clarae & distinctae sunt, ut ab iis discere non possim, an frigus sit tantùm privatio caloris, vel calor privatio frigoris, vel utrumque sit realis qualitas, vel neutrum. Et quia nullae ideae nisi tanquam rerum esse possunt, siquidem verum sit frigus nihil aliud esse quàm privationem caloris, idea quae mihi illud tanquam reale quid & positivum repraesentat, non immerito falsa dicetur, & sic de cacteris.

P20. Quibus profecto non est necesse ut aliquem authorem a me diversum assignem; nam, si quidem sint falsae, hoc est nullas res repraesentent, lumine naturali notum mihi est illas a nihilo procedere, hoc est, non aliam ob causam in me esse quàm quia deest aliquid naturae meae, nec est plane perfecta; si autem sint verae, quia tamen tam parum realitatis mihi exhibent, ut ne quidem illud a non re possim distinguere, non video cur a me ipso esse non possint.

P21. Ex iis verò quae in ideis rerum corporalium clara & distincta sunt, quaedam ab ideâ meî ipsius videor mutuari potuisse, nempe substantiam, durationem, numerum, & si quae alia sint ejusmodi; nam cùm cogito lapidem esse substantiam, sive esse rem quae per se apta est existere, itemque me esse substantiam, quamvis concipiam me esse rem cogitantem & non extensam, lapidem verò esse rem extensam & non cogitantem, ac proinde maxima inter utrumque conceptum sit diversitas, in ratione tamen substantiae videntur convenire; itemque, cùm percipio me nunc esse, & priùs etiam aliquamdiu fuisse recordor, cùmque varias habeo cogitationes quarum numerum intelligo, acquiro ideas durationis & numeri, quas deinde ad quascunque alias res possum transferre. Caetera autem omnia ex quibus rerum corporearum ideae conflantur, nempe extensio, figura, situs, & motus, in me quidem, cùm nihil aliud sim quàm res cogitans, formaliter non continentur; sed quia sunt tantùm modi quidam substantiae, ego autem substantia, videntur in me contineri posse eminenter.

P22. Itaque sola restat idea Dei, in quâ considerandum est an aliquid sit quod a me ipso non potuerit proficisci. Dei nomine intelligo substantiam quandam infinitam, independentem, summe intelligentem, summe potentem, & a quâ tum ego ipse, tum aliud omne, si quid aliud extat, quodcumque extat, est creatum. Quae sane omnia talia sunt ut, quo diligentius attendo, tanto minus a me solo profecta esse posse videantur. Ideoque ex antedictis, Deum necessario existere, est concludendum.

P23. Nam quamvis substantiae quidem idea in me sit ex hoc ipso quòd sim substantia, non tamen idcirco esset idea substantiae infinitae, cùm sim finitus, nisi ab aliquâ substantiâ, quae revera esset infinita, procederet.

P24. Nec putare debeo me non percipere infinitum per veram ideam, sed tantùm per negationem finiti, ut percipio quietem & tenebras per negationem motûs & lucis; nam contrà manifeste intelligo plus realitatis esse in substantiâ infinitâ quàm in finitâ, ac proinde priorem quodammodo in me esse perceptionem infiniti quàm finiti, hoc est Dei quàm meî ipsius. Quâ enim ratione intelligerem me dubitare, me cupere, hoc est, aliquid mihi deesse, & me non esse omnino perfectum, si nulla idea entis perfectioris in me esset, ex cujus comparatione defectus meos agnoscerem?

P25. Nec dici potest hanc forte ideam Dei materialiter falsam esse, ideoque a nihilo esse posse, ut paulo ante de ideis caloris & frigoris, & similium, animadverti; nam contrà, cùm maxime clara & distincta sit, & plus realitatis objectivae quàm ulla alia contineat, nulla est per se magis vera, nec in quâ minor falsitatis suspicio reperiatur. Est, inquam, haec idea entis summe perfecti & infiniti maxime vera; nam quamvis forte fingi possit tale ens non existere, non tamen fingi potest ejus ideam nihil reale mihi exhibere, ut de ideâ frigoris ante dixi. Est etiam maxime clara & distincta; nam quidquid clare & distincte percipio, quod est reale & verum, & quod perfectionem aliquam importat, totum in eâ continetur. Nec obstat quod non comprehendam infinitum, vel quod alia innumera in Deo sint, quae nec comprehendere, nec forte etiam attingere cogitatione, ullo modo possum; est enim de ratione infiniti, ut a me, qui sum finitus, non comprehendatur; & sufficit me hoc ipsum intelligere, ac judicare, illa omnia quae clare percipio, & perfectionem aliquam importare scio, atque etiam forte alia innumera quae ignoro, vel formaliter vel eminenter in Deo esse, ut idea quam de illo habeo sit omnium quae in me sunt maxime vera, & maxime clara & distincta.

P26. Sed forte majus aliquid sum quàm ipse intelligam, omnesque illae perfectiones quas Deo tribuo, potentiâ quodammodo in me sunt, etiamsi nondum sese exerant, neque ad actum reducantur. Experior enim jam cognitionem meam paulatim augeri; nec video quid obstet quominus ita magis & magis augeatur in infinitum, nec etiam cur, cognitione sic auctâ, non possim ejus ope reliquas omnes Dei perfectiones adipisci; nec denique cur potentia ad istas perfectiones, si jam in me est, non sufficiat ad illarum ideam producendam.

P27. Imo nihil horum esse potest. Nam primo, ut verum sit cognitionem meam gradatim augeri, & multa in me esse potentiâ quae actu nondum sunt, nihil tamen horum ad ideam Dei pertinet, in quâ nempe nihil omnino est potentiale; namque hoc ipsum, gradatim augeri, certissimum est imperfectionis argumentum. Praeterea, etiamsi cognitio mea semper magis & magis augeatur, nihilominus intelligo nunquam illam idcirco fore actu infinitam, quia nunquam eo devenietur, ut majoris adhuc incrementi non sit capax; Deum autem ita judico esse actu infinitum, ut nihil ejus perfectioni addi possit. Ac denique percipio esse objectivum ideae non a solo esse potentiali, quod proprie loquendo nihil est, sed tantummodo ab actuali sive formali posse produci.

P28. Neque profecto quicquam est in his omnibus, quod diligenter attendenti non sit lumine naturali manifestum; sed quia, cùm minus attendo, & rerum sensibilium imagines mentis aciem excaecant, non ita facile recordor cur idea entis me perfectioris necessariò ab ente aliquo procedat quod sit revera perfectius, ulterius quaerere libet an ego ipse habens illam ideam esse possem, si tale ens nullum existeret.

P29. Nempe a quo essem? A me scilicet, vel a parentibus, vel ab aliis quibuslibet Deo minus perfectis; nihil enim ipso perfectius, nec etiam aeque perfectum, cogitari aut fingi potest.

P30. Atqui, si a me essem, nec dubitarem, nec optarem, nec omnino quicquam mihi deesset; omnes enim perfectiones quarum idea aliqua in me est, mihi dedissem, atque ita ipsemet Deus essem. Nec putare debeo illa forsan quae mihi desunt difficilius acquiri posse, quàm illa quae jam in me sunt; nam contrà, manifestum est longe difficilius fuisse me, hoc est rem sive substantiam cogitantem, ex nihilo emergere, quàm multarum rerum quas ignoro cognitiones, quae tantùm istius substantiae accidentia sunt, acquirere. Ac certe, si majus illud a me haberem, non mihi illa saltem, quae facilius haberi possunt, denegassem, sed neque etiam ulla alia ex iis, quae in ideâ Dei contineri percipio; quia nempe nulla difficiliora factu mihi videntur; si quae autem difficiliora factu essent, certe etiam mihi difficiliora viderentur, siquidem reliqua quae habeo, a me haberem, quoniam in illis potentiam meam terminari experirer.

P31. Neque vim harum rationum effugio, si supponam me forte semper fuisse ut nunc sum, tanquam si inde sequeretur, nullum existentiae meae authorem esse quaerendum. Quoniam enim omne tempus vitae in partes innumeras dividi potest, quarum singulae a reliquis nullo modo dependent, ex eo quòd paulo ante fuerim, non sequitur me nunc debere esse, nisi aliqua causa me quasi rursus creet ad hoc momentum, hoc est me conservet. Perspicuum enim est attendenti ad temporis naturam, eâdem plane vi & actione opus esse ad rem quamlibet singulis momentis quibus durat conservandam, quâ opus esset ad eandem de novo creandam, si nondum existeret; adeo ut conservationem solâ ratione a creatione differre, sit etiam unum ex iis quae lumine naturali manifesta sunt.

P32. Itaque debeo nunc interrogare me ipsum, an habeam aliquam vim per quam possim efficere ut ego ille, qui jam sum, paulo post etiam sim futurus: nam, cùm nihil aliud sim quàm res cogitans, vel saltem cùm de eâ tantùm meî parte praecise nunc agam quae est res cogitans, si quae talis vis in me esset, ejus proculdubio conscius essem. Sed & nullam esse experior, & ex hoc ipso evidentissime cognosco me ab aliquo ente a me diverso pendere.

P33. Forte verò illud ens non est Deus, sumque vel a parentibus productus, vel a quibuslibet aliis causis Deo minus perfectis. Imo, ut jam ante dixi, perspicuum est tantumdem ad minimum esse debere in causâ quantum est in effectu; & idcirco, cùm sim res cogitans, ideamque quandam Dei in me habens, qualiscunque tandem meî causa assignetur, illam etiam esse rem cogitantem, & omnium perfectionum, quas Deo tribuo, ideam habere fatendum est. Potestque de illâ rursus quaeri, an sit a se, vel ab aliâ. Nam si a se, patet ex dictis illam ipsam Deum esse, quia nempe, cùm vim habeat per se existendi, habet proculdubio etiam vim possidendi actu omnes perfectiones quarum ideam in se habet, hoc est omnes quas in Deo esse concipio. Si autem sit ab aliâ, rursus eodem modo de hac alterâ quaeretur, an sit a se, vel ab aliâ, donec tandem ad causam ultimam deveniatur, quae erit Deus.

P34. Satis enim apertum est nullum hîc dari posse progressum in infinitum, praesertim cùm non tantùm de causâ, quae me olim produxit, hîc agam, sed maxime etiam de illâ quae me tempore praesenti conservat.

P35. Nec fingi potest plures forte causas partiales ad me efficiendum concurrisse, & ab unâ ideam unius ex perfectionibus quas Deo tribuo, ab aliâ ideam alterius me accepisse, adeo ut omnes quidem illae perfectiones alicubi in universo reperiantur, sed non omnes simul junctae in uno aliquo, qui sit Deus. Nam contrà, unitas, simplicitas, sive insepararibilitas eorum ommum quae in Deo sunt, una est ex praecipuis perfectionibus quas in eo esse intelligo. Nec certe istius omnium ejus perfectionum unitatis idea in me potuit poni ab ullâ causâ, a quâ etiam aliarum perfectionum ideas non habuerim: neque enim efficere potuit ut illas simul junctas & inseparabiles intelligerem, nisi simul effecerit ut quaenam illae essent agnoscerem.

P36. Quantum denique ad parentes attinet, ut omnia vera sint quae de illis unquam putavi, non tamen profecto illi me conservant, nec etiam ullo modo me, quatenus sum res cogitans, effecerunt; sed tantùm dispositiones quasdam in eâ materiâ posuerunt, cui me, hoc est mentem, quam solam nunc pro me accipio, inesse judicavi. Ac proinde hîc nulla de iis difficultas esse potest; sed omnino est concludendum, ex hoc solo quòd existam, quaedamque idea entis perfectissimi, hoc est Dei, in me sit, evidentissime demonstrari Deum etiam existere...

P37. Superest tantùm ut examinem quâ ratione ideam istam a Deo accepi; neque enim illam sensibus hausi, nec unquam non expectanti mihi advenit, ut solent rerum sensibilium ideae, cùm istae res externis sensuum organis occurrunt, ve occurrere videntur; nec etiam a me efficta est, nam nihil ab illâ detrahere, nihil illi superaddere plane possum; ac proinde superest ut mihi sit innata, quemadmodum etiam mihi est innata idea meî ipsius.

P38. Et sane non mirum est Deum, me creando, ideam illam mihi indidisse, ut esset tanquam nota artificis operi suo impressa; nec etiam opus est ut nota illa sit aliqua res ab opere ipso diversa. Sed ex hoc uno quòd Deus me creavit, valde credibile est me quodammodo ad imaginem & similitudinem ejus factum esse, illamque similitudinem, in quâ Dei idea continetur, a me percipi per eandem facultatem, per quam ego ipse a me percipior: hoc est, dum in meipsum mentis aciem converto, non modo intelligo me esse rem incompletam & ab alio dependentem, remque ad majora & majora sive meliora indefinite aspirantem; sed simul etiam intelligo illum, a quo pendeo, majora ista omnia non indefinite & potentiâ tantùm, sed reipsâ infinite in se habere, atque ita Deum esse. Totaque vis argumenti in eo est, quòd agnoscam fieri non posse ut existam talis naturae qualis sum, nempe ideam Dei in me habens, nisi revera Deus etiam existeret, Deus, inquam, ille idem cujus idea in me est, hoc est, habens omnes illas perfectiones, quas ego non comprehendere, sed quocunque modo attingere cogitatione possum, & nullis plane defectibus obnoxius. Ex quibus satis patet illum fallacem esse non posse; omnem enim fraudem & deceptionem a defectu aliquo pendere, lumine naturali manifestum est.

P39. Sed priusquam hoc diligentius examinem, simulque in alias veritates quae inde colligi possunt inquiram, placet hîc aliquandiu in ipsius Dei contemplatione immorari, ejus attributa apud me expendere, & immensi hujus luminis pulchritudinem, quantum caligantis ingenii mei acies ferre poterit, intueri, admirari, adorare. Ut enim in hac solâ divinae majestatis contemplatione summam alterius vitae foelicitatem consistere fide credimus, ita etiam jam ex eâdem, licet multo minus perfectâ, maximam, cujus in hac vitâ capaces simus, voluptatem percipi posse experimur.